vendredi 11 Avril 2025
Une enquête de la RTBF met en lumière un phénomène préoccupant : des adolescents belges développent des comportements addictifs aux jeux d'argent après une première exposition via les jeux vidéo. Entre paris sportifs, loot boxes et influence des réseaux sociaux, les jeunes sont de plus en plus vulnérables. Décryptage.
Dans une enquête publiée le 8 avril 2024, la RTBF révèle comment certains jeunes belges tombent dans la spirale des jeux d'argent après une exposition précoce à des mécanismes présents dans les jeux vidéo. L'étude met en lumière le rôle croissant des loot boxes, des paris en ligne et de la pression sociale dans le développement d'une addiction parfois rapide et profonde.
L'enquête de la RTBF donne la parole à plusieurs jeunes, dont certains ont développé une addiction avant même leur majorité. C'est le cas de Matis, 18 ans, qui raconte avoir commencé par ouvrir des loot boxes sur FIFA dès l'âge de 12 ans. Il explique comment l'excitation provoquée par l'ouverture de ces coffres virtuels a éveillé en lui une attirance pour le hasard et les récompenses instantanées.
Rapidement, il est passé à des jeux plus risqués, comme les paris sur des sites illégaux, souvent accessibles sans contrôle strict de l'âge. L'argent mis en jeu augmente, les pertes aussi. Ce parcours est loin d'être isolé.
Le concept de loot boxes - ces coffres virtuels achetés avec de l'argent réel pour obtenir des objets ou personnages aléatoires - est au cœur des préoccupations. Bien que non considérées officiellement comme des jeux de hasard en Belgique, leur fonctionnement en présente pourtant plusieurs caractéristiques : aléatoire, paiement réel, et gain perçu comme une "récompense".
La Commission des jeux de hasard (CJH) s'est déjà penchée sur le sujet. En 2018, elle avait d'ailleurs considéré certaines loot boxes comme des jeux de hasard illégaux, poussant certains éditeurs à adapter leur modèle économique. Mais beaucoup d'autres jeux continuent à contourner la législation via des techniques marketing toujours plus subtiles.
L'enquête de la RTBF met également en évidence la facilité d'accès aux plateformes de paris sportifs en ligne. Beaucoup de jeunes contournent les restrictions d'âge en utilisant les comptes d'un parent ou d'un ami, voire en mentant sur leur date de naissance. Les bookmakers ne disposent pas toujours de moyens efficaces pour contrôler l'identité de leurs utilisateurs.
La CJH rappelle pourtant que la participation aux jeux de hasard est interdite aux moins de 18 ans en Belgique (21 ans pour les jeux d'argent en ligne), et que des sanctions peuvent s'appliquer aux opérateurs qui ne respectent pas les obligations de vérification d'identité.
Autre facteur aggravant souligné par l'enquête : l'influence des réseaux sociaux. De nombreux jeunes découvrent les paris via des influenceurs qui promeuvent des plateformes de jeux, parfois en se filmant en train de gagner de grosses sommes. Le message est clair : c'est facile, c'est fun, et ça rapporte. Une image biaisée qui masque la réalité des pertes, bien plus fréquentes.
Ces pratiques marketing agressives, souvent en marge de la régulation, attirent particulièrement les jeunes qui s'identifient à ces figures charismatiques.
Malgré les alertes répétées, les mesures prises par les autorités semblent insuffisantes face à l'évolution rapide des pratiques numériques. Les experts interrogés dans l'enquête de la RTBF appellent à une meilleure régulation des jeux vidéo, à une éducation renforcée des jeunes et des parents, ainsi qu'à une vigilance accrue des plateformes de jeux et de paris.
Certains plaident pour une interdiction totale des loot boxes accessibles aux mineurs, ou pour un encadrement beaucoup plus strict de la publicité sur les paris sportifs.
La banalisation des mécanismes de hasard dans l'univers ludique numérique expose une génération entière à des risques accrus d'addiction. L'exposition précoce, combinée à un manque de contrôle et à une régulation fragmentée, crée un terreau fertile pour les troubles liés au jeu.
Comme le conclut l'un des spécialistes interrogés par la RTBF : « On est en train d'éduquer une génération entière à des mécaniques proches du casino, sans leur donner les armes pour s'en protéger. »